Je rêvais ce soir-là au fond de ma retraite
Peuplant mes songes de mes états d’âme secrets
Les nuages se tordaient en figurines abstraites
La rumeur des feuilles mortes chuchotait des décrets
le ciel indifférent surplombait la ville sombre
Les ruelles murmuraient en langues incongrues
les passants se mouvaient tout en traînant leurs ombres
je vis la guerre railleuse debout sous la statue
la faim mangeait les hommes d’un hurlement sadique
et la soif profonde noyait les sentiments
une odeur sans parole, souvenir paludique
s’échappait des égouts appelant au châtiment
Des bandes de gendarmes braquaient de pauvres vieilles
Des cannibales croquaient de fort maigres putains
La lune comme toujours réfléchissait en veille
Un beau soleil caché peut-être déjà éteint
Ô mon amour, dis-moi que c’est pas vrais
Dis-moi que ce cauchemar se dissipera demain
Les compagnons de chemin s’étaient perdus en route
Au fond d’une cour obscure clignotait un néon
Un avenant vieillard racontait ses jeunesses
Expirant le soufflet de son bandonéon
Le temps était figé en attendant l’orage
Qui n’allait plus venir tout comme le printemps
le vent aussi stagnait, le fleuve faisait barrage
à sa puissance ancienne, comme un vieux combattant
Sous le pavé, la plage, infectée de croissance
Où des enfants vieillis s’arrachaient des harengs
Une fiole de vieux marc donnait la solution
À un mal oublié depuis le temps des temps
Une grande amoureuse composait des poèmes
À la gloire de son dieu enfouis sous les gravats
Et des danseurs de valse aux beaux visages blêmes
D’un pas aérien s’envolaient vers les cieux
Ô mon amour, dis-moi que c’est pas vrais
Dis-moi que ce cauchemar se dissipera demain
Ô mon amour, tu me dis que c’est vrai
Tu me dis que demain nous irons au baston